CIS - Centro de Investigaciones Sociológicas

Le temps est une dimension essentielle des relations de pouvoir. Notre capacité à organiser et à décider de notre temps dépend de notre capacité à subordonner le temps des autres au nôtre. Le temps est donc l'objet de conflits constants. Ceux-ci se sont aggravés ces dernières décennies en raison des transformations observées dans deux domaines clés de l'ordre social. Premièrement, sur le lieu de travail. La déréglementation du travail, l'accroissement du pouvoir des entreprises sur la classe salariée qui en a résulté et l'intensification de la concurrence ont conduit les entreprises à réduire les coûts du travail en supprimant le travail pendant les périodes de moindre intensité de production. Ce processus a été accentué par la croissance du secteur des services, où la concurrence pour la clientèle s'intensifie en proposant des horaires plus longs et un service client plus rapide. Dans ces conditions, les journées de travail atypiques, les contrats précaires et à temps partiel, les horaires fragmentés, les heures supplémentaires, les horaires flexibles et l'obligation pour les employés de subordonner leur temps aux besoins de l'entreprise se sont multipliés.

Deuxièmement, dans les relations de genre. Les femmes sont de moins en moins susceptibles d'abandonner le travail salarié lorsqu'elles se marient et ont des enfants, se consacrant exclusivement au travail reproductif. Mais ce travail est peu accepté par les hommes, ce qui engendre les problèmes de la « double journée » féminine et la difficulté de concilier vie familiale et vie professionnelle. La conjonction de ces deux transformations accentue la tension entre les temporalités du travail et celles des autres activités sociales, multipliant au fil du temps les conflits dans les sphères professionnelle et familiale.